ERIK SATIE « Gymnopédies & Gnossiennes »

ERIK SATIE « Gymnopédies & Gnossiennes » est le nouvel enregistrement de Denis PASCAL qui sort le 2 décembre prochain sur le Label musical La Música.

Couverture disque SATIE : GYMNOPÉDIES & GNOSSIENNES DENIS PASCAL, PIANO

– Qu’entendez-vous par « poète »?
– Un poète, en composant ses poèmes, use d’une langue ni morte ni vivante, que peu de personnes
– Pourquoi ces personnes parlent-elle cette langue ?
– Pour rencontrer leurs compatriotes dans un monde où trop souvent l’exhibitionnisme qui consiste à
montrer son âme toute nue, s’exerce chez les aveugles.

Jean COCTEAU, « Le testament d’Orphée ».

Erik Satie PortraitSatie semble user d’un langage que peu de gens parlent, au point où les chapelles successives de ses admirateurs, défenseurs ou détracteurs, n’autorisent que bien peu d’impétrants à franchir la ligne étrange et intangible de son œuvre. Entre les errances du dandy crépusculaire Des Esseintes, d’À Rebours et la folie fantastique du rosicrucien Cassave qui emprisonne les dieux dans Malpertuis, on ne sait où situer ce subversif musicien : il vient certainement du même monde que Huysmans, Cocteau, Debussy, ou même l’insaisissable Jean Ray.

Le plus ésotérique des compositeurs français laisse pourtant quelques œuvres qui malgré leur farouche intention à rester des messages indéchiffrables et précieux, sont devenues des pièces dont l’impact dépasse largement leur temps, captivent tous les publics, initiés ou profanes, étrangement pris du même vertige. Ces énigmes musicales pour piano, scandées par un doux et antique balancement, par leurs infinies répétitions, hypnotisent et questionnent sans donner aucune réponse. Elles ne consolent de rien. Elles nous perdent comme se perd le regard dans l’infini d’une nuit étoilée.

Si le « phonométrographe » Satie a imaginé la musique froide ou décorative, l’écoute distraite, l’encombrement musical contemporain des espaces de la ville, le poète Satie nous prouve constamment que la musique demeure toujours un point d’interrogation et une subtile manière de relire le monde.
C’est donc d’une manière différente qu’il s’adresse à chacun de nous. Pour l’interprète et l’auditeur, il est le passeur d’une expérience unique et souvent indescriptible. La magie des Gymnopédies, des Gnossiennes nous plonge dans un voyage quasi initiatique qui nous pousse vers l’intime, vers l’abolition du temps et de la parole, comme les somptueux Épigraphes antiques, les Images pour piano de Debussy, ou les miniatures de Ravel dans Ma Mère L’Oye dont l’immanente sensualité semble refuser toute spiritualité.

Satie reste le gardien d’un mystère. Celui-ci nait de l’étrange abolition de l’histoire, du temps mesuré, de la forme et de l’écoute même…

Denis PASCAL

Référence : La Música – lmu032