Horn Trios, Brahms, Ligeti & Sierra

Horn Trios, Brahms, Ligeti & Sierra est le nouvel enregistrement auquel Denis PASCAL a participé sur  sur le label IBS Classical.

Horn Trios

Trois siècles

« Je suis dans une prison : un mur c’est l’avant-garde, l’autre c’est le passé, et je veux m’évader ».

György Ligeti

Rechercher les origines et l’évolution du cor est un exercice passionnant, tant par la polyvalence de l’instrument que par l’étonnante diversité géographique qui entoure son développement. De ses origines de coquillages, de cornes et d’os évidés d’animaux anciens à la corne chromatique à trois octaves d’aujourd’hui, des dizaines de siècles de raffinement se sont écoulés. L’une des étapes intermédiaires les plus appréciées de ce voyage se situe dans l’Europe du XVIIe siècle, à l’époque de la création des cors de chasse. Leur apparence ressemble à celle de l’instrument moderne, avec des tubes métalliques enroulés menant à une large cloche et capables d’émettre plusieurs harmoniques naturelles. A partir de ceux-ci, le cor naturel a été construit, un modèle qui a été introduit dans l’orchestre et avec lequel, même sans pistons, les joueurs ont obtenu les différentes notes au moyen des techniques les plus variées. Bach, Haendel, Vivaldi, Telemann, Haydn, Mozart et Beethoven ont écrit pour cet instrument, mais aussi, curieusement, Johannes Brahms (1833-1897).

Malgré le fait qu’en 1865 les cors à pistons circulaient déjà depuis un demi-siècle et étaient pleinement acceptés en Autriche et en Allemagne, Brahms, toujours très attaché à la tradition, décida d’écrire son Trio pour cor, violon et piano en mi bémol majeur , op. 40 pour Waldhorn, un cor naturel, instrument d’ailleurs joué par son père Johann Jakob. Ce choix s’est fait sur la base du paramètre timbre, raison de la grande polémique générée par l’introduction des valves. Certains interprètes et compositeurs ont estimé que le nouveau mécanisme compromettait l’authenticité et la beauté du son original du cor, qui était sombre et mystérieux, et empêchait le développement optimal de sa douceur legato. De plus, le cor naturel permettait d’atteindre l’équilibre dynamique approprié, compte tenu du volume atteint par les pianos de l’époque et les violons à cordes en boyau.

György Ligeti (1923-2006) a conçu son Trio pour cor, violon et piano de 1982 en hommage à Johannes Brahms, reproduisant ainsi le modèle instrumental de son op. 40, ainsi que la division en quatre mouvements utilisant des schémas formels et des stratégies thématiques scolaires. Bien que l’une des principales vertus du compositeur hongrois réside dans sa capacité à générer et à consolider de nouveaux langages et systèmes de composition (comme, par exemple, la soi-disant «micro-polyphonie»), il n’a jamais perdu de vue la tradition musicale occidentale. En effet, dans sa maturité, Ligeti tourne plus intensément son regard vers le passé pour adopter un langage qui lui est propre qu’il nomme « non-atonalité » ou « diatonisme non diatonique », dans lequel accords tonals, mélodies populaires, citations d’autres auteurs ou plus.

Assurément, cette « réalité musicale différente et indéchiffrable », comme Ligeti décrivait le langage de son trio, était beaucoup moins énigmatique pour le compositeur portoricain Roberto Sierra (né en 1953), l’un des compositeurs latino-américains les plus renommés de notre époque. Sierra a été l’élève de Ligeti à la Hochschule für Musik de Hambourg entre 1979 et 1982 et, comme son maître, il a réussi à écrire une musique brillante et directe avec sa propre identité. Sierra synthétise l’avant-garde européenne avec des éléments mélodiques, harmoniques et rythmiques de la chanson folklorique latino-américaine, du jazz, de la salsa et des métriques africaines. Il appelle cette influence du folklore antillais « tropicalisation ». Le trio présent sur cet album, composé de Manuel Escauriaza au cor, Miguel Colom au violon et Denis Pascal au piano, a commandé à Sierra l’écriture d’une pièce qu’il a composée entre 2020 et 2021.

Eva Sandoval

Référence : IBS Classic IBS182022